Fascinante découverte ce soir. Sorte de rencontre du troisième type.
J'ai vu Le festin Nu -Cronenberg, 1991, Burroughs-
Je n'ai pas lu le roman et je ne suis pas sûre que cela puisse me plaire stylistiquement parlant, j'ai des difficultés avec l'incohérence de ce genre de littérature sous acide. Le genre de bouquin que l'on peut trouver génial à bien des égards, sans pour autant être capable de le lire et qu'il ne tombe pas des mains - vite, un aspirine, une perfusion de réalité, je n'y comprends rien (à cela certains diront : il n'y a rien à comprendre - tout à fait le genre de phrase toute faite qui n'a pas de sens). Peut-être je me trompe, c'est pourquoi je le lirai quand j'aurai fini le dernier Onfray sur Freud (pas demain la veille à la vitesse où je le digère, mon cerveau est une bouillie, j'en parlerai sans doute plus tard).
En tous cas, j'ai aimé ce que cela raconte, bien qu'éloigné du roman ininterprêtable puisqu'il n'a pas de trame, il apparaît que Cronenberg s'est imprégné de l'oeuvre globale de Burroughs et de sa vie, confondant le héros du film avec celui-ci comme B. le faisait dans ses romans (Le héros, Lee, personnage de B. et pseudonyme de l'écrivain également).
C'est là je crois tout l'intérêt du film. Il ne nous parle pas simplement du personnage mais bien de Burroughs, comment a t-il écrit (le festin nu notamment, puisque dans le film le héros écrit un roman appelé le festin nu), et plus généralement sur cette chose qu'est l'écriture.
J'adore l'univers que le réalisateur a apporté, ses créatures, et toutes ces dégueulasseries. Le héros, bombé à une drogue prénommée black meat, hallucine quasiment en permanence et renvoit tous ses désirs et sa volonté d'écrire sur une machine à écrire qu'il voit sous les traits d'un monstre, il lui parle et lui ordonne d'écrire des rapports (son roman le festin, en fait), lui donne des missions sur le trafic de la black meat (l'histoire se passe au maroc principalement), et le pousse dans son homosexualité. En plus de cela la bête est un anus parlant (ou une tête de bites selon le modèle de machine).
Tout cela est fort réjouissant ! C'est plein d'idée, plein de créativité. Il n'y a pas mieux pour parler de la littérature, de cette littérature là. La bête répugnante, sorte d'inconscient (mais j'use avec précaution de ce terme). J'aime quand l'acteur plonge ses doigts dans la gueule du machin pour taper son texte, ou quand son amie finit par danser sur les touches qui deviennent peu à peu le coeur de la créature, elle plonge ses doigts dans la chair comme dans un steack haché, d'où sans nul doute le nom de la drogue.
Alors ça me parvient directement au cerveau.
Devrais-je me droguer pour me libérer ? Quel est mon anus parlant ? Hum hum. Je ne vous avais pas dit que j'avais acheté une machine à écrire dans une brocante il y a quelques mois, il me manque l'encre (dans tous les sens du terme d'ailleurs).
Bref... il y a beaucoup de choses à dire sur ce film. Le seul bémol c'est qu'il est difficile d'accrocher facilement à l'histoire. parce qu'il n'y en a pas vraiment,parce que la mise en scène n'est qu'un développement long sur les processus d'écriture, autrement dit : il ne se passe rien, même quand Cronenberg veut nous faire croire le contraire avec sa pseudo mission Interzone (le trafic de drogue). Je ne sais pas comment le réalisateur aurait pu rendre la chose plus dynamique et permettre une plus grande identification pour que le film soit vraiment prenant.